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A Matthieu PLASTEIG

 

Ce grenoblois d'adoption originaire des Pyrénées pratiquait l'escalade et le télémark. N'hésitant pas à faire le clochard dans sa voiture, il était toujours partant pour une virée en montagne, mais pas dans n'importe quelles conditions : pas de pente raide à skis et ne pas se speeder. Il n'aimait pas les marches d'approche mais de temps en temps, se trouvait une grosse bambée vers une escalade sauvage. En rocher, sa préférence allait à l'artif. qui lui permettait de parcourir les grands murs comme Salathé Wall. C'était en effet un grand voyageur qui a visité de nombreux pays et même résidé en Norvège. Matthieu nous a quitté le 15 août 2004.

Nous nous connaissions depuis quatre ans. Une rencontre en montagne, en partance pour le refuge de Turia en Vanoise, accompagnés de Virginie, Jean-Christophe et Nicolas qu'il avait rencontré quelques jours auparavant. Le lendemain, nous partions vers deux objectifs différents mais le contact était établi.

Depuis, nous nous retrouvions chaque été pour grimper, mais parfois aussi en hiver pour une balade dans la neige. Ou tout simplement à Grenoble, surtout depuis mon retour dans la capitale alpine. Matthieu me proposais souvent de passer manger chez lui entre midi et deux, l'école où je travaillais étant située tout près de son petit appartement de Saint-Martin-d'Hères. Nous parlions de tout et de rien comme le fait tout le monde. Mais nous parlions aussi de projets. Des souvenirs en montagne, il y en avait de plus en plus. On en reparlait parfois, notamment grace au retour en arrière que permettent les images. Mais nous parlions surtout de projets. Et il y en avait. Oh bien sûr comme souvent, il y avait plus de projets que de réalisations mais une des choses importantes de la vie n'est-ce pas de rêver ?

La neige fut le lien de nos premiers contacts : Turia en 2000 puis refuges de Chabournéou, du Sélé et dome des Ecrins durant l'hiver 2001, toujours avec Nicolas Cardin et Jean-Christophe Pérès. Ces Ecrins qui devaient lui rappeler ses montagnes pyrénéennes ont été un lien important entre nous. Nos premiers pas en escalade ensemble nous les avons fait en 2001sur le granit d'Ailefroide.

Un tour à Chamechaude pour deux classiques l'été suivant et nous voilà embarqués à l'automne dans la mythique paroi du Gerbier. Nous avions attaqué cette voie des tichodromes sans nous presser, vers 9h. Et l'artif, c'est long. Il le savait lui qui était sorti au sommet d'El Capitan dans le Yosemite par la voie de Salathe Wall. Mais il était dans son élémentment là haut. Comme à chaque sortie pourtant, il ne se prenait jamais au sérieux, toujours en train de déconner.

Matthieu dans "les délices de Notre-Dame", en juin 2003

Avec Matthieu dans "Coucou Rioupéroux", en juin 2003

Je me souviens d'une réplique dans cette voie : "Tu sais Lio, on n'est cons de ne pas avoir pris le tamponnoir parce que si on arrache une plaquette, je vois pas comment on pourrait faire pour sortir en haut et même en bas ! ". La fin des tichodromes fut rude avec un retour à la voiture à 1h du matin. Ce fut notre premier souvenir très fort.

Avec David, nous récidivions tous les 3 le mois suivant dans la paroi toute proche du pic Saint-Michel pour une classique plus facile. Et encore un moment de rigolade quand David arrache un point et fait un petit pendule. Ainsi je découvrais peu à peu le personnage : sensible, modeste, calme... et tout simplement heureux d'être en montagne.

Mais c'est surtout en 2003 que nous nous sommes rapprochés suite à mon retour sur Grenoble. Voies au tour de l'Homme à Chamrousse, cascade de Villard-Notre-Dame au-desssus de Bourg d'Oisans et puis la sortie au rochers du Midi en Chartreuse. Une voie difficile peu équipée où mon vol sur une lunule l'avait quelque peu désemparé. Matthieu doutait de la réussite mais cette fois encore nous sortions au sommet.

Je me souviens aussi de la belle bambée au grand pic de Belledonne où dans la journée, nous avions réalisé l'approche, une voie en face est, la traversée des arêtes et la redescente. Lui qui disait détester marcher, il était survolté ce jour-là.

Son côté très proche de la nature nous avait conduit à aller ensemble aux champignons l'automne dernier. Une belle matinée avec Jean-Christophe où son excitation devant tant de cèpes l'avait poussé à tous les ramasser, même les plus véreux. Encore une fois, ça c'était du Matthieu. Entier, qui ne compte pas. L‚'hiver suivant passait comme les précédents : de timides balades ensemble dans la neige et des retrouvailles en ville devant une bonne bière. Et toujours des projets.

 

Il en avait profité pour nous réaliser une belle table. Là encore comme d'habitude, Matthieu m'annonçait qu'elle était ratée : "Tu verras Lio, elle est pas terrible, si tu la veux pas, je ne t'en veux pas, je la garde pour moi ! " Le pire, c'est que d'autres se seraient vexés, mais lui pas du tout, il aurait gardé la table pour lui sans complexe. Pour la petite histoire, la table est dans notre salon et les petits défauts dont il parlait ne nuisent ni à son esthétique ni à son utilisation. Il faut vraiment regarder pour les voir et sont seulement la preuve d'un travail artisanal, du fait main. C'était ça aussi Matthieu : pas toujours content de lui alors qu'il faisait de belles choses.

Un emploi du temps quelque peu divergeant en ce printemps avait retardé nos envies communes. Pourtant, en ce beau mois de juillet 2004, par une journée magnifique, nous sortions au sommet des cornes de Pié-Bérarde aprés une trés belle voie dans le grand Oisans sauvage. Il n'était pas en forme dans la marche d'approche mais tout cela fut oublié une fois au pied de la voie, rejoins par le soleil qui fut notre compagnon durant toute la voie.

Nous nous sommes revus une fois la semaine suivante afin de parler de nos futures sorties : à mon retour de vacances à la mi-aout, on devait se prendre une semaine ensemble.

Cette semaine n'aura pas lieu.

 

Tu nous a quitté, laissant derrière toi des tas d'images. Quelques unes accompagnent ces lignes. Des tas d'autres sont dans ma tête. Il n'y aura plus de projets ensemble, que des souvenirs, mais je sais que par la pensée tu accompagneras encore nombre de mes ascensions.

Bon voyage Matthieu.

Dans la voie de la grotte aux rochers du Midi