Accueil
Glisser
Grimper
Regarder
Lire
Suivre

Matthieu BORDIN

Matthieu remonte un couloir
vers les Agneaux
en décembre 2003.

 

J'ai découvert Matthieu par le biais d'internet. Nous avons fini par nous retrouver, d'abord devant un apéro puis sur les skis. Avec ses amis du BLMS dont il est le B., la Bête, il a écumé la plupart des pentes les plus raides du Dauphiné, connaissant les Toponeige sur le bout des doigts. Après avoir lui-aussi été freiné par une plaque de neige dans une pente des Ecrins, il a retrouvé le chemin du 50°. Discret et efficace, c'est un plaisir d'être en montagne avec lui d'autant qu'il a la condition physique pour faire la trace pour les copains. Il est toujours aux aguets du couloir en conditions, notamment pour le "coup du matin" qu'il apprécie particulièrement : partir de nuit pour une descente, plus ou moins raide, au lever du soleil avant le boulot.

Le Goulot, Février 2005

Hiver 2005. Le Vercors croûle sous plusieurs mètres de neige. Même en plaine, à Grenoble, cela fait plusieurs années que l'on avait pas vu autant de neige. Certains disent que c'est un hiver "comme dans le temps". Matthieu, tout comme moi, est un amateur des balades dans la barrière est du Vercors. Cette forteresse, longue de 50km, présente quelques faiblesses dans les falaises qui sont autant de courses de ski-alpinisme. De l'autre côté, versant ouest, de vastes plateaux en pente douce. Le contraste est saisissant à chaque fois. Entre les Moucherolles et les tours du Playnet, le Goulot est une ligne évidente. Déjà skiée ou non ? Nous penchons bien sûr pour la première hypothèse tant elle est visible de loin mais nous n'avons pas encore trouvé à coup sûr de descendeur de cette pente. Matthieu et ses amis du BLMS ont déjà buté deux fois par mauvaises conditions, ou plutôt, bonnes conditions mais insuffisantes. Une erreur d'itinéraire quelques jours avant de l'autre côté me fait arriver à son sommet par derrière. Cela me permettra de découvrir le couloir dérobé qui sort direct au sommet et qui donne les clefs de la course en évitant la traversée très exposée au-dessus des barres que nous avions tous envisagée. Reste encore à résoudre un problème : l'enneigement des dalles un peu au-dessus du milieu du couloir. A un peu plus de 50°, ce passage purge systématiquement après une chute, obligeant à un probable déchaussage et une désescalade délicate.
Il fait encore nuit quand nous quittons la froideur du hameau du Puy-Trangoulia et ses -13°C. L'approche est rapide et dans l'axe de notre convoitise : le couloir semble en conditions. En sortant de la forêt, changement de ton. Merde, les dalles ont déjà purgé ! Un seul jour de beau a suffit a abîmé le passage. Il semble toutefois y avoir une bande de neige à gauche, contre les rochers, qui est restée en place. Nous verrons bien sur place. Lily, la copine de Matthieu nous attends à l'attaque du couloir pendant que nous attaquons la pente en crampons au moment où le soleil se lève. Instant magique, lumière irréelle. Romain, le L du BLMS et aussi de la partie ce jour-là, se remettant tout juste d'une brulûre à la main et d'une entorse à la cheville, sans compter les ampoules. Tout se passe bien dans la partie basse où nous observons une bande de bouquetins agrippés au milieu des barres. Plus haut, les choses se décantent peu à peu : la première étroiture est abîmée mais sera skiable à la descente ; la bande de neige le long des dalles est suffisament large pour déraper avec les skis. Petite anxiété pour Matthieu quant à la stabilité du passage. A mon sens, il n'y a aucun problème mais cela lui rappelle l'ambiance de son accident avec Max et Vincent il y a plus de deux ans, à cause d'une maudite plaque. Une pensée pour Vincent toujours blessé depuis cette mésaventure, puis je passe devant pour tracer le passage. Et au-dessus, c'est du tout bon et la neige y est même bonne. Matthieu reprend son rôle de traceur et court vers le haut. Sortie magique sur les hauts plateaux, petit vent frais, lumière du matin. On grignotte, on discute. Puis sans trop tarder car ça devrait quand même chauffer dans le goulot en milieu de matinée, nous nous rendons au départ du couloir, 50m sous le sommet des rochers de la Balme. Romain nous fait une frayeur. Sur l'arête, il déchausse et perd un ski. Nous ne le voyons pas en pensons un instant qu'il est tombé versant est. Petite frayeur ; nous remontons avec Matthieu. Tout va bien, il est un peu en contrebas du bon côté (versant ouest) et récupère son ski. Le haut du goulot est un plaisir à descendre et on fait une séance photo - vidéo. Pas de stress dans le passage clef mais on le négocie prudemment pour ne pas finir dans le vide-ordure. Puis c'est la libération et on se retrouve rapidement au-dessus de la forêt. Des chamois se baladent sur les vires ; des chevreuils nous regardent skier dans les prés. 10h30. Nous sommes à la voiture et contemplons la ligne skiée après avoir récupéré Aurélie.

J'espère pouvoir partager avec Matthieu d'autres moments de grand ski.