OLIVIER
LESBROS dit OLE
OLE
au sommet de Pétarel en février 2003
Olivier
est un passionné de ski de montagne, avant
d'être, comme de nombreux personnages de ces
pages, ingénieur à Grenoble (sans jeu
de mots). Souvent accompagné de sa femme
Hélène, il arpente les pentes de
Belledonne proche de son domicile, mais
n'hésite pas à s'exporter pour
découvrir de nouveaux horizons. Adepte du
gros dénivelé, les bambées ne
lui font pas peur. Notre première
expérience ensemble, dans le Fournel,
restera à coup sûr un grand souvenir.
Il s'adapte vite au vocabulaire "montagnard" et a
baptisé son fourgon super
équipé de "camion torch' ". C'est
aussi un véritable artisan de maintenance du
matos.
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Fournel,
décembre 2002
La neige est
là. Les quantités sont même
très importantes pour les Hautes-Alpes en
cette fin d'automne. Je connais peu Olivier mais ce
week-end de décembre, il se joint à
nous pour la première fois. Le programme est
ambitieux : avec Serge Maraval, nous partons de
Merlette pour encaper un couloir raide à vue
dans le vallon du Fournel. Le retour s'effectuera
par le pas de la Cavale. Ce couloit n'a sans doute
jamais été skié. Olivier est
excellent skieur mais encore novice en pentes
raides. Il me fait confiance pour ce choix. C'est
sans doute un peu tôt dans la saison pour une
telle entreprise : les jours sont courts, le soleil
bas et les moindres pentes un peu froides
n'évoluent pas du point de vue de la neige.
Il ne faudra donc pas traîner et se
méfier des plaques. Je suis dans une
période de grande confiance. C'est
sûrement ce qui me pousse à y aller
sans attendre.
Ca commence pourtant mal : du retard dans les
remontées mécaniques de Merlette et
l'on perd près d'une heure. La suite se
déroule bien : col de Freissinières,
descente versant est et remontée au Plumel
par le sud. Deuxième (légère)
perte de temps : un passage en peaux bien raide
entre des barres qui devait être un
raccourci. Il nous faudra déchausser un
court instant. Une petite plaque s'est
formée à l'arrivée au sommet
du Plumel : nous la détectons puis la
contournons sans incident. Sommet. Le contraste est
saisissant. J'appréhendais un peu la
réaction d'Olivier à la vue du
couloir. Pas de souci, Olivier est serein
malgré la vue plongeante du couloir qui
présente ses 50° d'inclinaison soutenus
dans le haut. La corniche est importante : pas
question d'entrer à skis dans le couloir.
Sans attendre, je l'attaque à la pelle et
envoie la neige dans la pente. La pelle
m'échappe des mains et file dans le couloir.
C'est une bonne raison pour ne pas renoncer et
aller la chercher! Je termine le boulot avec la
pelle de Serge.
Après quelques vivres, je commence à
entrer en dérapage dans le couloir. C'est
très raide et étroit dans le haut,
aussi, il me faut continuer à déraper
sur une dizaine de mètres. Puis le premier
virage. La pente est à 50° mais la
neige bonne et profonde. Olivier et Serge me
rejoignent. Les virages s'enchainent peu à
peu mais nous skions un par un. Dans une
étroiture, je n'ai d'autre choix que
d'attendre mes amis au milieu du couloir. J'aurais
dû continuer beaucoup plus bas mais...
Olivier me rejoint. Puis c'est au tour de Serge. Il
boucle un virage et bloque net ses skis dans la
neige. Pris dans son élan, il perd
l'équilibre et chute. J'imagine la
catastrophe mais je n'ai pas le temps. Serge vient
me percuter violemment et s'immobilise 30m plus
bas, ralenti grâce à ma
présence. Ce jour-là, j'ai
oublié le casque et, en touchant avec mes
mains, je sens une belle entaille dans ma
tête et ça saigne. Un peu
affolés, s'en suit un moment de
légère panique. Olivier tente de me
rassurer sur ma blessure mais le trou a l'air beau
et je suis sonné. On hésite. puis
soudain, j'encape la descente du couloir à
fond la caisse puis stoppe 100m plus bas
après un bip. Je viens d'avoir un message
sur mon portable : on a donc le réseau.
Regroupement puis reflexion. Appeler ou pas. La
remontée à la Cavale, je ne la sens
pas, j'ai la tête sonnée. Par
sécurité, on déclenche
l'opération. Nous finissons le couloir pour
aller sur une zone plus plate pour attendre
l'hélico. C'est un peu l'anarchie.
Pressé d'y être, je descends en
grandes courbes ; derrière Serge skie avec
un seul bâton (l'autre a été
perdu). Au moment où l'hélico me
récupère, Serge et Olivier ont
près de 2h de retard sur l'horaire
prévu. Ils poursuivent vers le pas de la
Cavalde tandis que je survole déjà
Briançon. Le mauvais temps annoncé
pour la soirée semble en avance, le vent se
lève. Il est 14h30.
20h. Je suis chez moi, après un
séjour à l'hôpital, quelques
points, une visite à Vincent du BLMS,
héliporté lui-aussi la semaine
précédente et les 100 bornes de route
grâce à la gentillesse de Sylvain que
je salue au passage. Toujours pas de nouvelles des
deux autres. Je remonte à Champoléon
en voiture, là où l'on a
déposé celle de Serge, là
où l'on devait arriver, là où
il doivent arriver. La voiture est là. Ils
ne répondent pas au téléphone.
Je suis inquiet. Je passe chez Marco qui tente de
me rassurer. "Ils sont peut-être au refuge de
la Chaumette me disent les gendarmes". Ce n'est pas
possible, après, c'est une formalité,
même sans frontale... La suite n'est
qu'inquiétude et suppositions.
21h30. Mon portable sonne. C'est Olivier, ils sont
à l'Argentière !!! Pour la petite
histoire, arrivés sous le pas de la Cavale,
un vent violent avait formé des plaques.
Olivier ne le sentait pas. Par prudence, ils ont
décidé de faire demi-tour et de
rentrer par l'interminable Fournel. Du plat, de la
trace à faire en faux-plat descendant puis
le passage des cascades. Il leur était
inconnu. Ayant pris la mauvaise option, ils
aggravèrent leur cas dans les barres et
petites cascades à désescalader en
forçant un passage. Résultat : chute
dans le torrent. En hiver, mouillés, il ne
fallait pas traîner. Encore 10km de faux-plat
plus loin. La route, le bitume, le village.
Prévenir, tout va bien. Il leur reste encore
à revenir ici (grâce aux parents
d'Olivier, morts de trouille ainsi
qu'Hélène, sa femme, restée
à la maison) et aller
récupérer la voiture à
Champoléon.
En tous cas, le couloir, lui, il est fait, et
l'amitié entre nous 3
scellée.
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