Allevardin
de naissance, mon père est un personnage aux
multiples facettes. Sa conséquente
bibliothèque témoigne de ses nombreux
centres d'intérêts. Citons
pêle-mêle la réalisation
cinématographique, le dessin, la PAO,
l'informatique en général,
l'oenologie, l'alchimie, le chemin de Saint-Jacques
de Compostelle, la randonnée, la
civilisation romaine et j'en passe. En
mélangeant bon nombre de ces passions, cela
a donné "nous irons tous à
Compostelle", un film documentaire qu'il a
entièrement réalisé
lui-même. Et quand il n'organise pas de
conférence ou de visite sur la via Aurelia,
vous aurez peut-être la chance de le croiser
à pied dans les massifs du sud de la
France.
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Bruno
TASSAN
Bruno
à Allevard en juillet
2003
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Grand
Charnier, juillet 1984.
Je n'ai pas fait
beaucoup de montagne avec mon père.
Asthmatique depuis tout petit, la pente ne lui
convient pas ; en revanche, il affectionne les
grandes randonnées de plusieurs jours comme
en témoigne le chemin d'Arles à
Saint-Jacques de Compostelle qu'il a
réalisé il y a quelques
années.
Mais je garde de très bons souvenirs de
quelques virées ensemble comme l'arête
sud de la croix de Provence à la
Sainte-Victoire où le tour des gorges de la
Nesque dans le Vaucluse où après un
bivouac parfait, la randonnée du lendemain
fut splendide. Vraiment un coin à conseiller
! Il y avait aussi la traversée des
crêtes des Glauges, dans les Alpilles, une
randonnée très originale dans une
végétation parfois bien dense. Du
sanglier quoi (d'ailleurs nous en avions vu un, de
sanglier) !
Mais un peu plus loin dans le temps, c'est encore
le sommet phare du Grand Charnier d'Allevard qui me
revient. J'ai 11 ans et cette montagne, je la vois
à chaque fois que je vais chez mes grands
parents à Allevard, c'est-à-dire,
souvent. Elle symbolise pour moi déjà
la haute montagne, disons, l'étape
intermédiaire entre la plaine et le mont
Blanc ce qui est loin d'être faux. Mon
grand-père propose de m'y emmener. En fait,
c'est une sortie familiale. Ma grand-mère,
mon frère (alors âgé de 7 ans)
et ma mère, s'arrêtent à la
petite épaule à l'attaque des
difficultés : l'arête aérienne
qui mène au sommet. L'occasion aussi d'avoir
une pensé pour ma mère avec qui je ne
suis pas allé souvent en montagne non plus
mais qui a toujours approuvé mon
activité et m'a toujours soutenu
malgré ses inquiétudes. A chaque
fois, elle lançait toujours le même
"sois prudent" mais jamais le "n'y vas pas".
Pour l'heure, nous sommes dans l'ascension du
Charnier et après la "vertigineuse"
arête, j'éprouve une joie immense
d'atteindre ce sommet sans aucune
difficulté, en compagnie de mon père
et mon grand-père. La solitude (on est en
1984 et la fréquentation n'a rien à
voir avec la fréquentation actuelle) et la
météo (couvert mais sans vent)
rajoutent une dimension à la balade.
C'était il y a vingt ans et je ne doutais
pas que j'en viendrais à parcourir ces
montagnes dans tous les sens et en toutes saisons.
Mais symboliquement, cette "première" pour
moi fut un envol.
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