En
cette fin de juillet, par une
journée un peu froide, nous
redescendons de la Calotte par la voie du
Réou d'Arsine., Arnaud, Croc'zos,
Jeannot, Isabelle, Nico et moi-même,
nous faisons deux cordées sur le
glacier. A un endroit, nous
hésitons de couper un grand arc de
cercle que fait la trace qui évite
une zone crevassée paraissant
bouchée. Nous abandonnons
finalement cette idée. Un instant
après, quelques mètres cubes
du massif des Ecrins coupent la zone que
nous aurions dû traverser. Premier
avertissement. Puis
nous nous engageons dans le couloir qu'il
faut remonter pour rejoindre la descente
vers le col d'Arsine (qui s'avèrera
finalement un mauvais couloir). La roche
est pourrie et nous progressons sans
vraiment nous en soucier, en faisant
attention de ne pas faire tomber de
pierres, comme d'habitude. Nous sommes
toujours en deux cordées, mais
assez rapprochés. La corde est
plutôt gênante car le terrain
est facile. Je m'arrête sur une
petite plate-forme (style table de
cuisine) et lance aux autres qu'on ferait
mieux de se décorder et de finir un
par un le peu qu'il reste, tant la
montagne ressemble de plus en plus
à un tas de cailloux. Au même
moment, la plate-forme quitte mes pieds,
abandonnée alors à la
terrible loi de la gravité (sans
laquelle l'alpinisme n'existerait pourtant
pas). J'ai juste le temps de m'aggripper
à la suite, sans savoir si
ça tient. Nico, juste
derrière moi, voit le bloc arriver
lentement (c'est relatif) mais
sûrement (aucun doute). Il pivote
sur lui-même et dévale le
petit couloir. Tout le monde regarde. Nico
gardera une mini trace dans le bras (style
coupure à l'Opinel) de sa rencontre
avec le mètre cube. Aujourd'hui
encore, je me demande comment il est
encore vivant. Les autres observent
toujours le maousse (mais qu'est-ce qu'ils
foutent?) et l'évitent un à
un au dernier moment. Ouf,
seule la corde est coupée. Je n'en
revient pas qu'on ait pu s'en tirer
indemme avec un tel blocos dans un si
petit couloir. Trois
jours après, dans la descente de la
Barre (avec presque les mêmes), un
autre bloc nous jouera son mauvais
tour. ©
lionel tassan 1997 |